'Sponsoriser notre association, c’est bien plus que de signer un chèque de soutien'
Special Olympics est une organisation internationale qui favorise l’inclusion sociale des personnes ayant un handicap mental par le biais du sport. Rien qu’en Belgique, 165.000 personnes ont un handicap mental. Leur entourage immédiat compte environ 1 million de personnes. Ce sont tous des ambassadeurs potentiels qui peuvent sensibiliser la société à la vie avec un handicap mental. Grâce à Special Olympics Belgium, environ 20 000 athlètes participent à des compétitions sportives.
Donorinfo s'est entretenu avec Zehra Sayin, Chief Executive Officer de Special Olympics Belgium, à l'approche de l'événement d'inspiration caritative en ligne organisé par Donorinfo sur la coopération entre les entreprises et les organisations.
Donorinfo (DI): ‘Bonjour Zehra Sayin, selon vous, pourquoi est-ce important de coopérer avec des entreprises ?’
Zehra Sayin (ZS): ‘Special Olympics Belgium est soutenu par une centaine de sponsors, dont les 40 plus importants proviennent du monde des affaires. Plus de 60% de nos revenus proviennent du sponsoring. Notre collaboration avec les entreprises est fondée sur plusieurs considérations.
Tout d’abord, compter sur des partenaires tels que Belfius, UPS ou encore AXA, c’est toucher les milliers d’employés de ces entreprises mais également leurs familles et leur entourage proche afin de les sensibiliser à notre cause. Le fait de toucher autant de personnes en leur parlant positivement de nos actions apporte une énorme notoriété à l’inclusion dans la société des personnes ayant un handicap mental.
Deuxièmement, les employés de nos sponsors font également du bénévolat. Special Olympics peut compter sur 11 000 bénévoles, dont 65% proviennent des entreprises qui nous sponsorisent. Ces employés sont souvent trilingues et très qualifiés. Ils constituent une énorme valeur ajoutée à nos opérations quotidiennes. Une contribution que nous ne pourrions jamais financer par nos propres moyens.
Enfin, les entreprises apportent leur savoir-faire sous différentes formes chez Special Olympics. Dans le monde économique, toute une série de processus sont essayés, éprouvés et testés. Le monde économique ne laisse pas beaucoup la place à l’erreur et à l’hésitation. À tous les niveaux, les équipes Special Olympics ont beaucoup appris de leurs relations avec les entreprises en apprenant des processus en termes de planification à long terme, de gestion des stocks, de stratégie marketing et bien d’autres secteurs. Nous avons également beaucoup appris sur les indicateurs de performance, un sujet encore peu utilisé par les associations caritatives en Belgique, mais beaucoup plus courant dans le monde anglo-saxon, par exemple.
DI: ‘Comment les collaborations fonctionnent-elles généralement ?’
ZS : ‘Les entreprises nous apportent les différentes plus-values que je viens d’expliquer et dans l’autre sens Special Olympics apporte une finalité sociale et une raison d’avancer qui se déclinent la plupart du temps toutes deux sous forme d’histoires inspirantes. Special Olympics ajoute énormément de sens et une forte dimension humaine aux partenariats que l’association conclut avec des entreprises. Special Olympics raconte l’histoire de tel ou tel sportif, qui s’appelle Michel ou bien Sandrine, qui a un handicap mental, qui s’est fixé un challenge, qui a besoin d’équipements, d’entrainements, qui se bat, qui a une vie lui aussi et qui obtient des résultats prometteurs…
Avec l’aide des entreprises, de leurs employés, parfois même de leurs clients, un veritable esprit d’équipe se forme autour de ces athlètes. Tous ceux qui font partie de cette "équipe", de cette communauté, en parlent à leur tour à leurs amis et à leur famille... Cette histoire à succès apporte énormément de sens aux gens qui sont derrière ce sportif ou cette sportive. L’association passe d’un ‘problème à résoudre’ à une véritable opportunité marketing pour les grandes entreprises.'
DI : 'Qu’est-ce que les entreprises et les associations peuvent apprendre les unes des autres? Quelle est la plus-value de la coopération au-delà de l’argent?'
ZS : ‘Il s'agit rarement d'une simple question d'argent. Dans le cas d’un sponsoring, c’est d’ailleurs parfaitement exclu que ce soit la seule courroie de transmission entre l’entreprise et Special Olympics. Un sponsor peut faire appel en interne à des talents qui viendront aider les associations sponsorisées. C’est ce qu’on appelle du mécénat de compétence. L’employeur libère des heures de prestation d’un certain nombre d’employés qui viendront mettre leurs compétences au service de l’association alors qu’ils sont payés par l’entreprise.
Un exemple ? Special Olympics recourt énormément au transport lors des Jeux. On a estimé les coûts annuels occasionnés par les transports à 80.000 euros: c’est un budget conséquent ! UPS, acteur connu dans le monde des livraisons de colis, a donné quelques jours à un fleet manager pour analyser et optimiser nos flux de transport. Ce responsable a formé et conseillé le personnel de Special Olympics et le résultat a été immédiat: le budget des transports est tombé à 30 000 euros. Cela représente un bénéfice annuel de 50 000 euros. L’impact a donc été conséquent et aussi au sein d’UPS. En fait, ils racontent l'histoire du succès exactement de la même manière : UPS aide Special Olympics à économiser 50 000 euros par an et contribue ainsi à réaliser les rêves olympiques de milliers de nouveaux athlètes'.
DI : 'Qu'est-ce qui détermine si Special Olympics va travailler avec une entreprise ou une autre ?'
ZS : ‘Au départ, c’est souvent l’entreprise qui a ses thèmes de prédilection qui vont agir comme filtres pour décider quelle association soutenir. Special Olympics parle de sports, de handicaps mentaux, de santé, d’inclusion, d’enfance : c’est son territoire de communication en plus d’être son territoire d’actions.
Lorsqu’un contact est établi avec un sponsor potentiel, Special Olympics veut un engagement social : l’inclusion de la personne ayant un handicap mental. Pour ce faire, Special Olympics suggère un programme d’actions à l’entreprise qui veut sponsoriser l'association: accepter qu’un de nos athlètes handicapé mental vienne parler de son expérience au personnel.Que ce récit soit relayé dans les médias de l’entreprise elle-même.
L’idée est que l’entreprise sponsor fasse progresser l’inclusion de la personne handicapée mentale au sein même de son personnel, voire au sein de ses clients finaux si cela est possible. Special Olympics n'est pas intéressé par les sponsors qui ne veulent pas faire eux-mêmes des efforts d'inclusion. Nous leur demandons également de soutenir nos objectifs et notre stratégie à long terme. Si cette volonté n'est pas présente, l'entreprise peut toujours faire un don. Ensuite, nous donnons un certificat fiscal, mais nous ne construisons pas le même type de relation’.
DI : 'Soutien de donateurs individuels ou d'entreprises : l'un peut-il remplacer l'autre ?'
ZS : ‘Special Olympics Belgium n’a pas une grande tradition d’appels aux dons et de fundraising orienté vers les donateurs particuliers, mais nous voulons changer cela à l’avenir. Actuellement Special Olympics est axée vers le business to business (B2B). L'entreprise est la porte d'entrée, même si les employés font aussi occasionnellement des dons individuels. Sur notre budget annuel de 2 millions, seuls 2% proviennent de dons privés.
En addition à cela, Special Olympics ne développe pas un discours d’urgence sanitaire ou des messages axés sur la pitié qui sont la plupart du temps des leviers de récoltes de fonds auprès des particuliers. Notre communication est positive et joue sur le fait d’oser le challenge, oser l’inclusion, oser le sponsoring, oser le don… Les dons privés via les grands donateurs fonctionnent plutôt bien pour Special Olympics.’
DI : 'En tant qu’employé ou collaborateur d'une entreprise, si je veux que mon employeur soutienne une ou plusieurs bonnes causes, qu'est-ce que je dois faire selon vous ?'
ZS : ‘Mon conseil serait de réunir autour de vous le plus grand nombre possible de collègues et en parler un maximum autour de vous. Communiquez votre enthousiasme à vos collègues, au service de la responsabilité d'entreprise, au service du marketing ou au service du personnel : c'est une dynamique qui fonctionne toujours bien.
Chez PWC, ce sont les employés qui choisissent un projet et qui vont le défendre auprès de la direction. En mobilisant des collègues, on sait par exemple qu’on touchera inévitablement quelqu’un qui connaît une personne ayant un handicap mental.Cela crée un lien et renforce le sentiment que vous faites quelque chose d'utile. En parlant à ceux qui vous entourent, vous lancez souvent de petits ruisseaux qui peuvent se transformer en grandes rivières...'